Club Nautique de Groix

Port Tudy, mardi 26 juillet, 7 heures du matin.

Le jour vient juste de se lever que déjà six courageux volontaires du club s’apprêtent à appareiller à bord de Frankiz pour rejoindre le golfe du Morbihan. Sur le pont, Alain l’heureux et récent propriétaire de ce Kelt 850, Bernard notre cher trésorier, Niels, Michel, Pierrick et moi même. Dans la précipitation de ce départ, l’avitaillement se révèlera trop approximatif : trop de pain, pas assez de bière, encore moins de vin, pas de beurre… Mais là n’est pas l’essentiel, quoique… Pour l’heure la priorité est d’arriver à destination avant 16 heures. Nous avons rendez-vous avec Benoît Tréguily, le vendeur de notre futur voilier, à la cale du Lindin pour une prise en main du First Class 8 Play List. Il fait beau, le vent est résolument établi à l’ouest et l’envoi du spi s’impose après avoir doublé la bouée de Port Mélite. Une navigation sans histoire qui a vu défiler sur bâbord l’entrée de la rivière d’Étel, l’emblématique château Turpault, le phare de la Teignouse et bientôt l’entrée du golfe du Morbihan. Là, quelque-uns d’entre nous ont découvert les impressionnants courants du golfe, leurs remous, leurs tourbillons. 3 nœuds sur l’eau, 10 nœuds sur le fond ! Alain n’en revenait pas. Avant de s’enfoncer dans le dédale des îles du golfe il me faut revenir sur le repas du midi. Si j’ai critiqué l’avitaillement, c’est que je ne savais pas que certains avaient une botte secrète : Alain, avec son délicieux cake aux olives et Niels avec un cake fourre-tout digne des meilleurs cuistots de Groix. Mea culpa !

 

Le Lindin, mardi 26 juillet, 16 heures.

Nous avons pris un corps-mort devant la pointe de l’Ours, juste à l’entrée de l’anse du Lindin. Le vent s’est levé rendant le mouillage inconfortable et le débarquement en annexe délicat. Contacté par téléphone, Benoît Tréguily nous assure qu’il sera là dans 5 minutes pour venir nous chercher avec sa voiture. C’est là que nous avons découvert tous les aspects de ce Benoît Tréguily, au demeurant charmant. De SMS en SMS, de 5 minutes en 5 minutes, nous l’avons attendu près de 2 heures avec une certaine abnégation. A chaque fois, il nous enjoignait d’aller l’attendre à la cabane Milo située pas très loin d’où nous étions. Comprenant que l’attente allait durer, nous avons pris le petit sentier côtier qui mène à la fameuse cabane. Grand bien nous en a pris ! L’endroit est charmant avec une immense terrasse donnant sur le golfe. On y sert des huîtres délicieuses et un petit vin blanc bien frais… Pierrick, Bernard et moi ne nous sommes pas privés ! Benoit, un grand type dégingandé, est arrivé enfin et nous a conduit au chantier. Nous pensions que le Class 8 était à l’eau et prêt à naviguer comme il avait été convenu. Hélas, le bateau était encore sur sa remorque, tout juste en train d’être mâté. L’atmosphère était visiblement tendue car les gars du chantier n’avaient pas envie de faire de rab passé 18 heures. Bernard et moi étions de plus en plus sceptiques sur la réussite de notre expédition et sur le retour de ce Class 8 à Port Tudy. Le bateau fut mis à l’eau tant bien que mal à l’heure où la marée commençait à redescendre. Pas de temps à perdre donc si nous ne voulions pas rester envasé dans la baie du Lindin. Et comme les emmerdes n’arrivent jamais seules, au moment où nous nous dépêchions pour récupérer notre annexe, la voiture de Benoît refusa de démarrer. Panne de batterie… Il fallut pousser une lourde Volvo qui finit par toussoter puis vrombir vers notre annexe. La seule satisfaction de la soirée fut le vieux moteur Evinrude du First Class 8, 40 ans d’age tout de même, qui contre tout attente a fonctionné à merveille. Il nous a permis de sortir de la baie et de rejoindre Frankiz sur son coffre puis de regagner un mouillage mieux abrité sous le vent de l’île Govihan.

Île Govihan, mercredi 27 juillet

La nuit fut très confortable pour les veinards qui ont dormi à bord de Frankiz et en pointillés pour ceux qui sont restés sur Play List. En fait de musique, nous avons eu droit à un cliquetis de bastaques, un solo de drisses façon roulement de tambour et un clapotis de vaguelettes sur l’étrave. Nous avons appareillé de bonne heure car nous avions rendez-vous avec Benoît au Crouesty vers 10 heures. Le but de la rencontre était de finaliser l’équipement manquant de Play List et de recevoir les derniers conseils et subtilités pour manœuvrer au mieux le bateau. Au lieu du Crouesty, ce fut Port Navalo, au lieu d’équipements, ce fut une litanie de « merde j’ai oublié les lattes, merde j’ai pas pris la clé du cadenas, merde j’ai pas trouvé les palans de bastaques…» Benoît était visiblement confus de tous ces contretemps. Bernard était stoïque, moi un peu moins…

De guerre lasse, nous avons pris la mer vers midi pour sortir du golfe avant la renverse des courants.  Heureusement Play List est un brave bateau car en dépit des nombreuses imperfections de son gréement et de son jeu de voiles nous avons atteint la Teignouse au bon plein à quatre nœuds de moyenne, rattrapant facilement ceux de Frankiz. En début d’après-midi, le calme plat annoncé par la météo était au rendez-vous alors que les courants de la Teignouse étaient contraires. Une nouvelle fois notre Evinrude a fait merveille. Le vent s’est levé modestement vers 16 heures avec une fâcheuse tendance à tourner à l’ouest. Bernard, à la barre, était concentré, mais il a eu la gentillesse de ne pas nous obliger à des réglages fins. A quoi bon, avec une grand-voile sans lattes, un mât mal réglé et un solent à peine plus glorieux, nous ne pouvions prétendre à aucune performance. Frankiz, loin derrière, était notre seule consolation… On a d’ailleurs failli les perdre définitivement puisqu’ils ont évité de justesse un abordage avec un autre voilier grâce à la vigilance de Niels. Dans un geste réflexe qui restera dans les annales, il a poussé la barre pour éviter le drame… L’expédition s’est terminée à tirer des bords jusqu’à 20 heures pour atteindre les jetées de Port Tudy. Play List est arrivé sans encombre à son nouveau port d’attache. Ouf !